Banc d'essai - Cibles Magazine décembre 2012
Le Rhino - Un revolver vraiment hors du communDescendant direct des revolvers Ma.Te.Ba., le Rhino se distingue par de nombreuses originalités:
canon aligné avec la chambre inférieure du barillet, chargement par clips, prise en main décalée, cinématique avant-gardiste ... Et les sensations au tir sont tout aussi surprenantes!Tous les amateurs d'armes bizarres autant qu'étranges connaissent forcément les revolvers italiens Ma.Te.Ba. Nous les devons à à un Inventeur de génie, Emilio Ghisoni, malheureusement décédé en avril 2008. Ce concepteur d'armes s'était tout d'abord fait connaître à la fin des années 70, avec le pistolet de compétition MT-l chambré en .22 LR. Dans les années 80, il avait ensuite mis au point le revolver de match MTR, décliné en carabine MTRC. Ces différents modèles se distinguaient déjà par leur canon surbaissé, limitant le relèvement du canon et favorisant l'amortissement du recul dans l'axe du bras. Déclinées en différents calibres, les versions à barillet offraient par ailleurs des capacités de 8 à 20 coups selon les calibres: .38 Special (MTR-B/MTRC-B); .357 Magnum (MTR-BM / MTRC-BM); .32 S&W (MTR-12/MTRC-14) ; .22 LR (MTR-14/MTRC-20). Chargés à l'aide d'un clip de cartouches, les barillets étalent transférés devant le pontet, de manière à s'adapter à la nouvelle configuration. En revanche, cette disposition réduisait sévèrement la longueur du canon, lequel parvenait néanmoins à garantir une excellente précision, à défaut d'une vitesse Initiale très élevée.
En 1990, il lança également le revolver MTR-6 en .357 Magnum, qui devint le 2006M après quelques modifications (abandon de l'alimentation par clip). Cette arme bénéficiait de 8 canons manchonnés interchangeables(de 2" à 6"), toujours alignés avec la chambre inférieure du barillet pour limiter la sensation de recul. En outre, le barillet ramené au-dessus de la détente basculait désormais vers le haut, par le côté gauche !
Puis vint en 1997 le modèle 6 Unica (avec six canons manchonnés interchangeables de 3" à 8"), décliné luj aussi en carabine sous la dénomination Grifone (canon de 18"). Chambrées dans les calibres .357 Magnum, .44 Magnum et .454 Casull, ces armes à barillet se distinguaient quant à elles par leur fonctionnement semi-automatique ! En effet, grâce à leur carcasse en deux parties, le réarmement du marteau s'effectuait automatiquement lors du recul du bloc supérieur ... le barillet effectuant ensuite sa rotation de 60" lors du retour en batterie. Ce concept baptisé "Autorevolver" permettait ainsi de tirer rapidement, en simple action, des cartouches puissantes habituellement réservées aux revolvers.
En cas d'enrayage, notamment si les munitions employées n'étaient pas assez fortes (.38 Special, .44 Special, .45 ACP), le tir en double action demeurait toujours possible, évitant ainsi d'utiliser la seconde main pour manœuvrer une quelconque culasse.
La fin de Ma.Te.BaDès le début des années 90, un investisseur allemand se joignit à Emilio Ghisoni pour développer l'entreprise italienne. Ils lancèrent ensemble la commercialisation de l'Autorevolver, mais sans le succès commercial escompté. Aussi, l'inventeur revendit ses parts à Sergio Mottana, dont le fils Valentino assura la direction de Ma.Te.Ba. jusqu'à sa fermeture en 2005. Pendant cette période, l'entreprise lança la production de clones de 191' et de carabine Lightning, mais ne parvint pas à exploiter un des derniers brevets cédés par Emiho Ghisoni, concernant un pistolet semi-automatique de calibre 9 mm dont le verrouillage était Inspiré du modèle allemand Korth..
Le Rhino a la peau dure ...De son côté, l'inventeur remonta une société baptisée The.Ma. Dès 2002, il se remit ainsi à la conception d'une nouvelle arme, en l'occurrence un revolver compact de défense à 7 coups. Pour cette arme, Il avait déjà choisi un nom: le Rhino. compte tenu de son allure ramassée et de son guidon proéminent.
On notera à ce sujet que ses points communs avec le revolver russe Nosorog ("rhinocéros" en croate) ne sont qu'une pure coïncidence.
Comme pour un dernier baroud d'honneur, Emilio Ghisom avait souhaité appliquer un maximum de concepts avant-gardistes.
Il avait ainsi repris divers principes qui lui tenaient à cœur, à commencer par celui du canon aligné avec la chambre Inférieure du barillet, sachant que certains brevets désormais détenus par MaTeBa allaient prochainement arriver à expiration. En outre, il souhaitait révolutionner le concept même du revolver, faisant du Rhino un adversaire redoutable pour tous ses concurrents. Il présenta le résultat à son ami Antonio Cudazzo,déjà connu pour avoir développé le FAR System, et tous deux décidèrent de s'associer. Tandisque The.Ma. assurerait le développement et la production, FAR League se chargerait du financement et de la commercialisation de l'arme. Malheureusement. Emilio Ghisoni décéda en 2008, avant la finalisation du projet Rhino.
Antoruo Cudazzo se lança alors à la recherche d'un nouveau partenaire, capable de terminer le développement du Rhino et d'assurer son industrialisation, C'est finalement le directeur de l'entreprise familiale Chiappa Firearms, qui se prénomme Rino (encore une coïncidence i) qui releva le défi, et qui parvint à commercialiser les premiers modèles dès la fin 2009.
Il aura ainsi fallu plus de sept ans pour qu'aboutisse le projet initié par Emilio Ghisoni. Mais peutêtre faudra-t-il encore plus de temps pour que ses innovations finissent par être unanimement reconnues et appréciées à leur juste valeur...
Les atouts du RhinoL'objectIf que s'était fixé Emilio Ghisoni semble partiellement atteint puisque le canon surbaissé, associé à la poignée dessinée par Antonio Cudazzo, supprime totalement le relèvement du canon au départ du coup.
S'exerçant dans l'axe du bras, le recul résiduel paraît quant à lui nettement amorti. Le tireur occasionnel n'ayant plus d'appréhension lors du lâcher, les coups de doigt disparaissent également Et cela d'autant plus que la détente élargie garantit une meilleure répartition de l'effort, contribuant ainsi à améliorer le confort d'utilisation. De plus, la nouvelle ergonomie offre à la main une position plus naturelle, optimisant de ce fait le pointage intuitif de l'arme ou encore le maintien en visée. Tous ces avantages, associés à un mécanisme révolutionnaire, permettent donc de tirer plusieurs coups d'affilée, en un minimum de temps et sans dévier de la cible.
Le barillet hexagonal du Rhino lui assure pour sa part une faible largeur, adaptée à un port discret(le barillet à 5 coups d'un S&W Chief ne fait que 3 mm de rnoins). Et l'arme est d'autant plus difficile à identifier sous un vêtement que les facettes du barillet combinées à la morphologie du Rhino rompent avec les formes traditionnelles du revolver. Le mécanisme ayant été compacté, et le barillet reculé, l'arme se paie même le luxe d'afficher 1,5" (38 mm) de moins que le S&W compact, à longueur de canon identique !
Un mécanisme révolutionnairePar ailleurs, tout le système cinématique a été transformé afin de garantir à la fois précision et fluidité .Il Intègre en effet quatre galets limitant les frottements, et les mécanismes de percussion et de détente ont été désolidarisés.
Le seul ressort de la platine assure donc deux fonctions totalement indépendantes, par l'intermédiaire de chaines cinématiques distinctes Les connaisseurs pourraient penser que le Rhino reprend ainsi le principe du MR73, avec son poids de départ réglable Indépendamment de la force de percussion, mais cela va bien au-delà.
Il suffit de déposer la plaque de recouvrement du mécanisme pour s'en apercevoir immédiatement. Cette cinématique est véritablement révolutionnaire puisque même la gâchette n'agit plus directement sur le marteau. Faisant face à la chambre inférieure du barillet, celui-ci est d'ailleurs totalement caché dans la carcasse. C'est donc un levier d'armement (marteau extérieur fictif) qui permet de l'armer en simple action, ou de le désarmer via un
relais. Monté sur ressort, le levier d'armement reprend à chaque fois sa position "à l'abattue", même si le marteau intérieur est armé, ce quI évite ainsi le va-et-vient de la crête.
Comme les S&W Bodyguard à marteau caréné, le Rhino peut donc tirer depuis une poche de vêtement sans entrave. Il est à noter que ce levier d'armement disparaît même au profit d'un simple carénage fixe sur les versions DAO. AUSSI, afin de renseigner l'utilisateur
sur l'état de son arme, un Indicateur d'armement a été ajouté. Dépassant de la carcasse Juste devant la hausse, il est associé à l'élévateur chargé de faire tourner le barillet. De fait, lorsque le marteau est armé et que l'élévateur présente face au percuteur une nouvelle chambre (vide ou pleine), l'indicateur devient visible. Il s'agit donc bien d'un indicateur d'armement, et non pas d'un indicateur de cartouche chambrée. Sur une arme de défense, la différence est Importante.
Une carcasse à la pointe de la technologieUsinée avec précision dans un bloc d'Ergal 7075 T651 (alliage d'aluminium enrichi en Zinc), la carcasse du Rhino peut se prévaloir d'une grande légèreté, d'une extrême solidité et d'une parfaite résistanceà la corrosion.
Ne restent usinés dans l'acier 42NiCrM04 que le mécanisme de la platine et les éléments soumis à la pression: canon manchonné, barillet et bouclier rapporté, monté en queue-d'aronde sur la carcasse. Néanmoins, des finitions classiques demeurent offertes, l'Ergal pouvant recevoir soit une anodisation noire soit un chromage, tandis que l'acier au carbone (enrichi en nickel, chrome et molybdène) peut être bronzé ou également chromé. Selon les modèles, cette carcasse usinée en commande numérique peut présenter un nombre variable de rails Picatinny. Si aucun n'est présent sur les Rhino de défense à canon de 2", les versions sport de 4" et 5" disposent d'un rail inférieur adapté à la fixation de lampes ou de lasers. Les modèles à canon long de 6" bénéficient quant à eux d'un second rail, destiné au montage d'une lunette pour la chasse ou d'un collimateur pour la compétition.
Un barillet hexagonalBasculant classiquement du côté gauche, le barillet comporte des méplats qui réduisent son épaisseur à seulement 35,7 mm (dimension facile à mémoriser !), malgré un diamètre réel de 39 mm. Son levier de déverrouillage, monté sur le même axe que le levier d'armement, a été dessiné pour faciliter sa manipulation par les pentes mains. En effet, sa localisation le rend accessible aux doigts courts, tandis que son important levier réduit l'effort nécessaire au déverrouillaqe. Commandé d'une seule main, le basculement du barillet s'effectue donc aisément, de même que son chargement grandement facilité par l'éloignement de la carcasse (l'écartement entre l'axe du barillet et l'axe de son pivot est en effet plus Important que sur la plupart des revolvers).
Cette configuration offre ainsi davantage d'espace pour accéder aux chambres, d'autant que le levier de déverrouillage reste lui aussi très éloigné. L'usage d'un speed loader (compatible S&W carcasses K) ne pose donc aucun problème, même si un autre mode de rechargement rapide est proposé à partir du numéro de série RH05833 C’est une des (nombreuses) particularités du Rhino. Son barillet peut être chargé à l'aide de clips circulaires de 6 cartouches (full moon clips) ! Facultatifs pour les munitions de 357 Magnum, Ils sont en revanche obligatoires pour le 9 x 21 mm et le .40 S&W. En effet. l'arme peut être livrée en trois calibres différents. Il n'existe toutefois aucune conversion permettant de passer de l'un à l'autre.
En fait. de la même manière que les chambres de .357 Magnum peuvent accueillir des cartouches de 38 Special, les chambres de 9 x 21 mm peuvent être utilisées pour tirer du 9 x 19 mm Si cette alternative se révèle intéressante pour la défense, elle est en revanche à déconseiller pour le tir de précision puisque le projectile n'est pas parfaitement guidé à sa sortie. Les compétiteurs ne jurant que par le .38 Special préfèrent d'ailleurs utiliser des revolvers chambrés spécifiquement pour ce calibre, mais cela n'est pas encore proposé par Chappe Firearms.
Les accessoires spécifiquesBien que peu répandu pour le moment, le revolver Rhino bénéficie d'accessoires spécifiques, développés en collaboration avec des marques italiennes. On compte ainsi 2 modèles d'organes de visée dérivables (classiques ou à fibre optique), 12 poignées combinant 3 tailles (Small, Medium, large) et 4 matériaux (noyer, olivier, lamellé-collé, néoprène) les holsters sont également nombreux, avec des modèles Radar en cuir, en Cordura ou en Kydex et même une version squelette développée par Ghost internationale pour l'IPSC. Tous sont disponibles en différentes tailles et parfois avec des variations de couleur. Des clips de chargement supplémentaires sont par ailleurs proposés, de même qu'un support magnétique permettant de les fixer à la ceinture.
S'ajoute aussi un kit de détente, composé de trois éléments customs levier de percussion plus court (poids de détente plus faible), levier de détente plus court (retour de détente plus rapide), ressort moins raide (poids de détente plus faible). leur combinaison avec les éléments standard permettent d'obtenir cinq types de platine adaptés Soit à la défense soit au tir sportif. les différentes forces de percussion alors obtenues obligent toutefois à sélectionner les amorces en fonction de leur dureté.
Du mythe à la réalitéC'est grâce à l'Importateur Colombi Sports, qui fut l'un des premiers à recevoir la gamme de revolvers Rhino, que nous avons pu essayer cette arme remarquable... en l'occurrence, un modèle 40 DS. Bien que compact et léger, il se montra particulièrement facile à maîtriser. Enchaînant les tirs à une main avec des cartouches de .357 Magnum pleine charge, le relèvement du canon était effectivement minime. La différence avec un revolver classique est donc flagrante sur ce point. Mais s'il s'agit là de son principal avantage (nous en avons énuméré de nombreux autres), il présente tout de même certains défauts. Pour être plus précis, nous devrions plutôt dire "présentait" car ils étaient souvent liés à des difficultés de mise en production.
En effet, depuis les modèles de présérie, certaines modifications ont été apportées pour remédier à la plupart des problèmes que nous avions rencontrés. Sur le modèle testé, l'axe du pivot du barillet présentait par exemple trop de jeu, ce qui générait un frottement au contact de la carcasse (quand le barillet basculé tournait librement sur son propre axe). Nous avions également pu noter que la tige d'éjection était trop longue, et l'extracteur en étoile pas assez large, ce qui permettait aux étuis de retomber dans leurs chambres si le barillet était maintenu parfaitement à la verticale (avec le canon vers le bas, comme Il est déconseillé de le faire avec tous les revolvers). Nous avons aussi noté des difficultés pour déposer l'axe du pivot du barillet, tandis que l'axe du barillet avait tendance à se dévisser tout seul avec les Vibrations. Hormis la position de la détente, rien ne permettait de savoir si le marteau interne était armé ou non (l'indicateur d'armement apparut plus tard). Nous savons par ailleurs qu'un exemplaire livré aux Etats-Unis affichait un poids de détente dépassant les 8 kg !
Pas d'avantages sans inconvénientsEn dehors de ces "erreurs de jeunesse", qui se rencontrent même avec les armes les plus fiables,quelques petits reproches subsistent toujours: douleurs à la main si la poignée anatomique n'est pas de la bonne taille; carcasse de l'arme très large (seule la diminution du diamètre barillet permet d'annoncer une faible épaisseur) , manipulations difficiles pour un gaucher, ce qui est dommage sur une arme de défense (l'utilisateur même droitier reste susceptible d'utiliser son arme de la main faible, notamment en cas de blessure) ;
manipulation difficile du levier d'armement avec de petites mains; détente trop large et/ou trop anguleuse selon la morphologie du tireur; hausse trop étroite par rapport au guidon pour une arme de 4" tenue à bras franc (moins gênant avec des canons plus longs ou en tirant à deux mains, avec l'arme plus proche du visage) ;
obligation de contreviser à très courte distance pour tenir compte de l'écartement important entre la ligne de Visée et l'axe du canon surbaissé. Mais dans l'ensemble, aucun défaut de conception rédhibitoire, tant pour un usage de défense que pour le tir de précision, et pourquoi pas de compétition.
VerdictAnnoncé dès 2009, le Rhino est présenté par Chiappa Firearms comme une arme révolutionnaire. Jusque-là, rien de surprenant puisque c'est généralement ce que font tous les fabricants... La seule différence, c'est que cette fois-ci c'est peut-être vrai! C'est l'avenir qui nous le dira. Rappelons-nous de l’arrivée du Glock sur le marché, et de l'accueil mitigé qui lui avait été réservé. Évidemment, le Rhino est toujours regardé comme une bête curieuse et il ne faut pas s'attendre à un bouleversement Immédiat. D'autant plus que les revolvers connaissent aujourd'huI un engouement moindre que les pistolets. Néanmoins, Il a déjà fait son apparition dans les films, Hollywood l'ayant notamment adopté dans "Total Recall - Mémoires programmées" afin de symboliser l'arme de poing futuriste par excellence. Compte tenu des solutions techniques retenues et des matériaux sélectionnés, on aurait d'ailleurs pu s'attendre à un prix public plus élevé.
Heureusement, Chiappa Firearms est parvenu à limiter les coûts de cette haute technologie en misant sur les cadences des machines à commande numérique, et en répartissant l'amortissement de son parc de machines sur l'ensemble de sa production. Avec un petit fabricant, les prix de revient auraient explosé et jamais cette gamme de revolvers n'aurait pu être commercialisée de manière Viable. Le Rhino a donc tous les arguments de poids nécessaires pour s'imposer,et nous lui souhaitons infiniment plus de succès que les armes MaTe.Ba., désormais très prisées par les collectionneurs. Une chose est sûre: arrivé à maturité après bien des péripéties, le projet Rhlno constitue d'ores et déjà pour Emilio Ghisoni un hommage à la hauteur de son talent de concepteur.
(Sources : Forum Armes et Tireurs de Belgique).